Le rapport 2026 de l’Assurance Maladie propose 60 mesures pour un système de santé plus soutenable. Décryptage des grandes orientations.
En juin 2025, l’Assurance Maladie a publié un rapport dense de 247 pages contenant 60 propositions pour préserver la soutenabilité du système de santé. Prévention, pertinence des soins, numérique, lutte contre la fraude : la CNAM propose une refonte progressive mais ambitieuse, en activant tous les leviers à sa disposition.
Voici un décryptage synthétique des principales mesures à retenir, notamment celles liées à la prescription, la prévention et l’innovation numérique.
Un système de santé sous pression 💸
- Un déficit structurel aggravé : la CNAM évoque une dégradation du solde liée à la hausse des dépenses (augmentation des tarifs de consultations, augmentation du prix des médicaments, hausse des IJ).
- Des recettes moins dynamiques dans un contexte économique fragile.
- En toile de fond : le vieillissement de la population, l’augmentation des pathologies chroniques et l’hyper-fragmentation du parcours de soin.
🎯 Objectif : préserver l’accès aux soins tout en garantissant la soutenabilité du système.
3 axes d’amélioration
- Prioriser la prévention
- « Le juste soin au juste prix”
- Lutter contre la fraude
Quelles propositions pourraient impacter la prescription ?
Ne plus rembourser à 100 % les soins à efficacité faible à modérée pour les ALD
L’Assurance Maladie propose d’adapter les règles de remboursement pour renforcer la pertinence des soins.
La proposition 22 suggère de supprimer la prise en charge intégrale pour les actes ou produits de santé jugés insuffisamment efficaces ou non pertinents.
Aujourd’hui, tous les soins liés à une affection de longue durée sont remboursés à 100% par l’Assurance Maladie, même si leur efficacité est discutable.
L’Assurance Maladie souhaite mettre fin au remboursement à 100% des soins et produits de santé ayant une efficacité jugée faible ou modérée. Cette proposition vise aussi les soins ou médicaments et qui ne traitent pas directement l’ALD.
L’objectif est de limiter le financement public de soins dont le service médical rendu est classé faible à modéré.
Cela vise à éviter le maintien d’usages inadaptés, potentiellement nocifs ou inefficaces, tout en maîtrisant les dépenses.
Pour aller plus loin :
Pour les patients hors ALD, l’Assurance Maladie voudrait également limiter le remboursement de ces médicaments ou soins par les complémentaire santé. Le but étant de faire en sorte que les compémentaires fassent des économies que ce type de dépenses afin de proposer des tarifs plus compétitifs et accesibles à tous.
Arrêts maladie : responsabiliser, sécuriser et simplifier 💼
Les arrêts maladie ont connu entre 2019 et 2023 une hause de près de 28%, engendrant un cout de 10,2Mds. Cette hausse est causée par une augmentation du nombre d’arrêts et de leur durée.
Simplifier et homogéneiser les règles pour une meilleure équité
Des diparités entre salarié privées et indépendants en terme de calcul des IJ et d’ouverture des droits. La prise en charge des arrêts maladie reste complexe et parfois inéquitable et conduisent à des différences de traitement. Il est proposé d’uniformiser les conditions d’ouverture de droits, quel que soit le statut de l’assuré, pour éviter l’exclusion des salariés précaires ou des indépendants. Une simplification des règles d’attribution et de calcul des indemnités journalières (IJ) améliorerait la lisibilité du système pour tous les acteurs.
D’autres suggestions sont évoquées :
- Trouver une alternative à la loi de mensualisation qui permet le calcul de la durée des IJ versé par l’employeur en focntion de son ancienneté. Cette loi n’est plus adapté au contexte actuel dans lequel les salariées changent beaucoup plus fréquemment d’entreprise.
- Mettre en place une obligation légale pour les entreprises de proposer une complémentaires santé via un contrat socle “responsable” négocié par les partenaires sociaux.
Encadrer la prescription et prévenir les arrêts injustifiés
La durée des arrêts ne respectent pas toujours les référentiels publiés par la HAS.
La prescription devra inclure un motif et une durée de référence auto-complétées selon le motifa fin de colelr au mieux aux recommandations du référentiel.
Un téléservice ou une pop-up en cas d’écart par rapport aux recommandations faciliterait l’application. Un QR code pourrait être ajouté aux formulaires papier pour accéder aux référentiels.
Mieux suivre les patients en arrêt maladie
La durée allongée des primo-prescriptions d’arrêts maladies limitent la possibilité d’effctuer un suivi régulier, ce qui est pourtant conseillé pour les syndromes dépressifs ou autre troubles anxio-dépressifs.
L’assurance maladie suggère de limiter les primo-prescriptions à un mois maximum (hospitalisation) ou 15 jours (ville), avec prolongation limitées à deux mois.
Les médecins pourraient accéder à l’historique des arrêts de leurs patients via le DMP. Cela favoriserait une meilleure pertinence des arrêts et un suivi plus adapté pour les situations les plus complexes. Les presripteurs pourrainet aussi avoir accès à leur profil de prescription d’arrêts de travail afin de prendre du recul sur sa propre pratique de prescription et de se comparer avec des confrères de même spécialité, de territoire de même conetxte socio-économique, conformément au référentiel.
Introduire une alternative : la prescription de télétravail
Dans certaines situations, le télétravail pourrait remplacer l’arrêt maladie. Le médecin pourrait délivrer un certificat de télétravail pour raison de santé, à condition que l’activité le permette. Cette mesure faciliterait une reprise progressive de l’activité.
Étendre le dispositif d’accompagnement “SOS IJ”
Le service « SOS IJ », expérimenté en 2025, a permis aux médecins de contacter plus facilement l’Assurance Maladie pour les cas complexes, en prenant en compte la santé de l’assuré, la fragilité et le contexte professionnel de l’assuré. Une généralisation de ce dispositif est envisagée, selon le bilan de l’expérimentation.
Renforcer la coopération entre les entreprises et l’Assurance Maladie
Depuis le décret du 5 juillet 2024, le cadre de la contre-visite médicale, mandatée par l’employeur, est clarifié. Contrairement au simple signalement, elle produit un rapport médical utilisable sous 48h par l’Assurance Maladie pour décider d’une suspension d’indemnités journalières.
L’Assurance Maladie prévoit une expérimentation pour mieux intégrer ces contrôles, et renforcer la coopération entre médecins du service médical et médecins mandatés, au bénéfice d’une lutte plus efficace contre les arrêts injustifiés.
En option : responsabiliser les employeurs
Il en est aussi de la responsabilité des employeurs de limiter l’absentéisme et le volume des arrêts de travail via une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail.
Un bonus/malus pourrait être instauré pour prévenir les arrêts courts, avec une incitation financière pour récompenser les entreprises qui réussisent à diminuer leur taux d’absentéisme.
Aussi, l’assurance maladie propose que les 7 premiers jours d’arrêt pourraient être pris en charge par l’employeur, en contrepartie d’une journée de carence obligatoire. L’assurance maladie interviendrait au 8ème jours d’arrêt maladie. Les contrôles d’absentéisme pourraient être facilités, notamment en valorisant les contre-visites médicales.
Renforcer la déprescription 💊
La déprescription est devenue un levier stratégique pour améliorer la prise en charge des patients polymédiqués, réduire les risques iatrogènes et limiter le gaspillage de produits de santé.
Des initiatives ont déjà vu le jour dans ce sens :
- Une consultation spécifique de déprescription dans la convention médicale 2024
- Des outils validés par la HAS disponibles sur ameli.fr
- Des actions locales portées par les OMEDIT, les universités, etc.
Ce que propose l’Assurance Maladie :
👉 Mettre en place une feuille de route pluriannuelle en mobilisant un large partie de l’écosystème : professionnels, patients, industriels, institutions.
👉 Renforcer l’accompagnement des prescripteurs, à l’hôpital comme en ville, et mener des campagnes d’information auprès des patients, pour faire évoluer les représentations.
👉 Étendre le champs des consultations longues de déprescription (en ville et en Ehpad) selon les résultats obtenus, et adapter les mécanismes conventionnels pour encourager ces pratiques.
Limiter l’empreinte écologique des prescriptions 🌱
L’Assurance Maladie intensifie ses efforts pour décarboner le système de santé via trois axes complémentaires. L’objectif est d’allier accès aux soins, sobriété écologique et économies durables.
👉 Informer les prescripteurs sur l’impact carbone de leurs soins, en intégrant des données environnementales dans les outils de restitution d’activité (data visualisation, scores carbone dans les LAP, recommandations écoresponsables).
👉 Mieux comprendre le gaspillage avec deux études majeures (DIMED et PERIMED) menées en 2025, pour quantifier les pertes et identifier des leviers d’action sur le conditionnement, la durée de conservation ou l’éducation des patients.
👉 Favoriser le réemploi des produits de santé :
- Développement d’une filière de reconditionnement des dispositifs médicaux (décret de mars 2025).
- Extension du remboursement aux dispositifs remis en état.
- Réflexion sur la remise en circuit de médicaments non ouverts et non périmés, en lien avec l’ANSM, les pharmaciens et les industriels.
Mettre les outils numériques au service de la prescription 💻
Les outils numériques d’aide à la prescription et à la décision (LAP/LAD), enrichis par l’intelligence artificielle, constituent un levier central pour améliorer la qualité, la pertinence et la sécurité des prescriptions. L’Assurance Maladie propose de structurer leur développement autour de quatre axes complémentaires :
👉 Étendre le champ couvert par les LAP et LAD
Pour aller au-delà du produit de santé, il est proposé de créer, faire évoluer et diffuser des référentiels pour construire des bases de données structurées pour chaque type de prescription (biologie, imagerie, dispositifs médicaux, soins paramédicaux, etc.). Cette structuration renforcera la cohérence entre actes prescrits et nomenclatures afférentes. Ces bases de données seraient directement utilisables par les LAP et LAD.
👉 Encadrer le fonctionnement des outils via un cahier des charges
En complément de la certification HAS, un cahier des charges fonctionnel garantissant la qualité des recommandations et l’intégration d’algorithmes de pertinence devra être respecté par les éditeurs. Les fonctionnalités de certification seraient basées sur une technologie d’intelligence artificielle. Ce référentiel, produit par l’Assurance Maladie, pourrait devenir une exigence obligatoire indépendante de la certification HAS.
👉 Soutenir les solutions non lucratives à forte valeur ajoutée
L’Assurance Maladie souhaite continuer de financer des SADM non lucratifs démontrant un impact significatif sur la pertinence des soins, et les intégrer dans un catalogue de référence disponible sur Amelipro.
👉 Rendre l’usage des LAP/LAD obligatoire d’ici 2030
Afin d’assurer une adoption massive et homogène, l’usage de ces outils devra devenir obligatoire pour tous les professionnels de santé conventionnés, sans possibilité de désactivation. Un dialogue est à initier avec les parties prenantes pour en définir les modalités et échéances.
Responsabiliser les prescripteurs en déployant les dispositifs MSO / MSAP à plus grande échelle
En 2025-2026, les médecins concernés par une MSO (Mise Sous Objectif) sont uniquement ceux dont le niveau de prescription reste très supérieur à celui de leurs confrères de la même région, à patientèle et territoire comparables.
Aujourd’hui, la procédure MSO est appliquée aux arrêts de travail, avec un objectif de réduction. Si cette démarche s’avère inefficace, l’Assurance Maladie peut activer une MSAP (Mise Sous Accord Préalable), obligeant alors le médecin à soumettre ses prescriptions à validation préalable.
Ces dispositifs seront renforcés dès 2026 :
- Généralisation aux prescripteurs ciblés
- Extension à de nouvelles prestations (transports sanitaires, actes chirurgicaux, soins dentaires)
- Élargissement aux établissements de santé et centres de santé
Maximiser la sécurisation avec l’ordonnance numérique 🔐
Poursuivre le déploiement et l’adoption de l’ordonnance numérique est un enjeu de sécruisation majeur que l’assurance maladie souhaite continuer de conduire ces prochaines années.
Généraliser l’ordonnance numérique à toutes les prescriptions
L’ordonnance numérique doit devenir le standard pour l’ensemble des prescriptions : médicaments, biologie, radiologie, soins paramédicaux, transports. Elle permet :
- Un meilleur contrôle par l’Assurance Maladie de l’exécution des prescriptions
- Une sécurisation accrue grâce à la traçabilité
- Une vérification renforcée des règles de dispensation par les pharmaciens
L’ordonnance numérique serait le standard pour les prescriptions de ville, comme à l’hopital.
Limiter la durée de primo-délivrance de certains médicaments ou dispositifs médicaux
La première délivrance est une étape clé pour sécuriser la prise en charge. Trop souvent, des prescriptions initiales inadaptées entraînent gaspillage, erreurs ou surprescriptions. Depuis avril 2025, la délivrance des pansements est limitée à 7 jours. Ce dispositif sera progressivement étendu à d’autres produits de santé d’ici 2030.
Etendre les DAP à d’autres produits de santé
Les demandes d’accord préalables servent à valider la prescription par l’assurance maladie. Cela concerne principalement des actes/dispositifs/médicaments couteux, rares ou longs sur la durée.
L’assurance maladie souhaite :
- Étendues à de nouvelles prestations (ex : véhicules PMR, imagerie)
- Intégrées aux processus de prescription via l’ordonnance numérique
- Améliorer la qualité et le traitement des DAP grâce à l’IA (ex : analyse imagerie par IA).
Coupler la prescription numérique à des outils de contrôle renforcés
D’ici 2030, l’objectif est de sécuriser toutes les prescriptions sensibles ou coûteuses. Cela implique une stratégie intégrée associant ordonnance numérique et :
- Limitation des primo-délivrances
- DAP étendues à de nouveaux actes et produits
- Algorithmes d’aide à l’analyse intégrés aux outils numériques
Créer des ordonnances types standardisées
Pour les prescriptions pour lesquelles une standardisation est réalisable (perfusion, pansements, bilans…), l’Assurance Maladie proposera des ordonnances types obligatoires, directement intégrées aux logiciels de prescription (LAP).
Intégrer les dispositifs d’accompagnement à la prescription
Le téléservice d’accompagnement à la prescription (ex : AGLP-1) sera généralisé et intégré aux LAP. Il sera étendu à d’autres médicaments ou examens, et accessible à l’hôpital entre 2026 et 2027.
Renforcer les blocages a priori dans les logiciels et systèmes de facturation
Deux leviers prioritaires :
- Blocages dans les LAP : intégration de règles opposables dès la prescription
- Blocages à la facturation : rejets automatiques en cas d’anomalies ou suspicion de fraude via METEORe
Un virage stratégique tourné vers la maîtrise des dépenses et l’effort collectif
Le rapport sera soumis au vote du Conseil de la Cnam le 3 juillet 2025
Il marque un tournant stratégique vers un système de santé plus responsable, plus piloté, et centré sur la prévention.
Le numérique, bien intégré, y joue un rôle clé pour objectiver les pratiques, soutenir les décisions médicales et renforcer la régulation.