Dans son rapport de proposition pour 2025, l’Assurance Maladie vise une économie de 1,56 milliard d’euros. Son objectif est de mettre l’accent sur le renforcement de la sécurité des ordonnances et la lutte contre la fraude. Parmi les dispositifs au cœur de cette stratégie, l’ordonnance sécurisée occupe une place essentielle. En effet, les médicaments concernés s’associent souvent à un risque élevé de dépendance, rendant la prévention des usages abusifs essentielle.
Alors que la numérisation s’impose progressivement dans les pratiques de prescription, notamment avec le Ségur de la santé, faisons le point sur tout ce qu’il faut connaître sur l’ordonnance sécurisée et comment la réaliser.
Qu’est-ce qu’une ordonnance sécurisée ?
Une ordonnance sécurisée ou « ordonnance protégée » a pour but de garantir que les médicaments, particulièrement ceux à risque élevé, sont délivrés de manière sûre et légale. Une ordonnance sécurisée est conçue pour la prescription de médicaments ayant un potentiel élevé d’abus ou de dépendance, c’est-à-dire “les produits destinés à la médecine humaine classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants” conformément à l’article R.5132-5 du Code de la santé publique.
Quelle est la différence entre une ordonnance sécurisée et les ordonnances de médicaments ou de produits et prestations d’exception ?
Ces 2 types d’ordonnances présentent des distinctions :
Les ordonnances sécurisées s’appliquent pour les médicaments à risque élevé de dépendance ou d’abus. Les médicaments concernés sont les stupéfiants ou soumis à des réglementations strictes (substances toxiques, narcotiques, etc.).
Les ordonnances d’exception concernent des médicaments ou prestations rares nécessitant une justification particulière. Cela inclut des médicaments coûteux, des dispositifs médicaux, ou des prestations spécifiques pour des pathologies rares ou graves.
Quels sont les médicaments sous ordonnance sécurisée ?
Les ordonnances sécurisées encadrent la prescription de médicaments stupéfiants et les médicaments classés présentant un risque élevé de dépendance ou d’abus.
Voici quelques exemples de types de médicaments concernés :
Les opioïdes, comme la morphine et l’oxycodone, soulagent les douleurs intenses. Ils se soumettent à une réglementation stricte en raison du risque de dépendance. Les psychotropes, tels que les benzodiazépines et les antipsychotiques, traitent les troubles mentaux. Enfin, les stupéfiants comme la cocaïne et la méthadone font l’objet de contrôles stricts en raison de leur potentiel d’abus. Ces règles s’appliquent aussi à certaines substances pour des pathologies spécifiques, comme le TDAH
L’Assurance Maladie a indiqué dans son “Rapport de proposition pour 2025” souhaiter étendre la prescription sécurisée au Tramadol.
Quels sont les éléments réglementaires que doit comporter une ordonnance sécurisée papier ?
Les carnets d’ordonnanciers spécialisés ont remplacé les carnets à souches en 1999 et se commandent auprès de fournisseurs agréés par l’AFNOR et donc répondre aux exigences mentionnées dans l’Arrêté du 31 mars 1999 fixant les spécifications techniques des ordonnances mentionnées.
Pour être « sécurisée », une ordonnance doit respecter certaines spécifications techniques strictes :
- Papier filigrané : Les ordonnances sont imprimées sur un papier blanc naturel sans azurant optique. Ce papier intègre des filigranes pour prévenir la falsification.
- Imprimées en bleu : Les mentions préimprimées sur ces ordonnances doivent être en bleu, ce qui rend toute modification évidente.
- Numéro de lot : Chaque ordonnance possède un numéro unique pour tracer le prescripteur. Ce numéro est lié au numéro RPPS attribué par l’Ordre des médecins. Cela garantit la traçabilité et la validité de la prescription médicale.
- Carré de sécurité composé de micro-lettres permettant d’identifier le support d’ordonnance.
Les règles de prescription
Adapter la durée de validité des traitements
Les ordonnances sécurisées ne peuvent prescrire des traitements pour plus de 28 jours, voire 7 ou 14 jours pour certains médicaments. La réglementation impose un fractionnement avec des renouvellements tous les 7 ou 14 jours.
Néanmoins, le prescripteur peut déroger à cette exigence en indiquant « Délivrance en une seule fois » sur l’ordonnance (Article R.5132-30 du Code de la santé publique).
Respecter le chevauchement d’ordonnances
Un prescripteur ne peut pas émettre deux ordonnances pour des médicaments stupéfiants qui se chevauchent. Cette interdiction s’applique même si les médicaments prescrits sont distincts. Le prescripteur peut autoriser un chevauchement en ajoutant une mention spécifique sur l’ordonnance. Par exemple, « Chevauchement autorisé ».
Mentionner la posologie en toutes lettres
Le prescripteur doit indiquer en toutes lettres le nombre d’unités par prise. Il précise aussi le nombre de prises par jour et le dosage du médicament.
Préciser le fractionnement de la délivrance des produits
Lorsque la réglementation exige le fractionnement de la dispensation, le prescripteur doit indiquer sur l’ordonnance la durée de traitement pour chaque fraction. Le prescripteur peut exclure le fractionnement en notant « délivrance en une seule fois » sur l’ordonnance. Cela peut se justifier par la situation du patient.
(Source : Meddispar)
Pour les substances susceptibles de faire l’objet d’un mésusage, usage détourné ou abusif
L’assurance maladie oblige le médecin à demander au patient la pharmacie de délivrance des traitements. Il doit aussi indiquer le nom du pharmacien sur l’ordonnance sécurisée.
Les substances concernées incluent la buprénorphine orale à haut dosage (supérieure à 0.2 mg par prise), le flunitrazépam, la méthadone et le méthylphénidate.
(Source : Légifrance)
L’objectif des ordonnances sécurisées : lutter contre la fraude, les vols et les abus
Les ordonnances sécurisées présentent 2 avantages majeurs en termes de sécurité :
- Prévention des fraudes : Les ordonnances sécurisées réduisent significativement les risques de falsification et de contrefaçon.
- Amélioration de la traçabilité : Chaque prescription est traçable, ce qui permet un suivi précis des prescriptions de médicaments et de leur délivrance.
Les pharmaciens doivent respecter strictement les règles établies pour la délivrance de ces médicaments. Ils doivent vérifier que le patient présente une ordonnance valide et appropriée, rédigée par un professionnel de santé reconnu.
L’ordonnance sécurisée papier bientôt à bout de souffle ?
Malgré leurs nombreux avantages, les ordonnances sécurisées présentent également certains défis :
- Complexité pour les professionnels de santé : Gérer les blocs d’ordonnances et se conformer aux exigences légales alourdit la charge administrative.
- Coût élevé : La commande de blocs d’ordonnances sécurisées peut s’avérer coûteuse. Les prix varient entre 20 et 90 centimes par ordonnance.
- Risque persistant de contrefaçon : Bien que les risques de falsification soient réduits, ils ne sont jamais totalement éliminés. Il est important que les prescriptions fassent l’objet de vérification en amont de la délivrance.
- Intégration technologique : L’intégration des ordonnances sécurisées dans les systèmes numériques, tels que les logiciels d’aide à la prescription, demeure un défi pour de nombreux professionnels.
Les ordonnances sécurisées numériques : une évolution vers plus de sécurité et moins de complexité
La dématérialisation des ordonnances sécurisées s’impose désormais comme une obligation au même titre que l’ordonnance numérique dans sa forme plus générique. Grâce aux téléservices de l’assurance maladie et à l’usage d’un LAP marqué CE, certifié HAS et agréé ordonnance numérique comme Ordoclic, les médecins peuvent générer une ordonnance numérique, imprimée ensuite sur papier libre pour être remise au patient. Celle-ci comporte un QR code contenant un numéro unique de prescription et les informations légales sur le traitement des données personnelles, consultable par le pharmacien en officine.
Fini les commandes coûteuses de blocs d’ordonnances sécurisées : tout se gère directement via le LAP Ordoclic, sans coûts supplémentaires. Cette solution permet de simplifier la prescription de médicaments tout en respectant les normes, sans perdre de temps à naviguer entre les règles spécifiques à chaque traitement. En cas d’impossibilité de prescrire de manière dématérialisée, il reste possible de rédiger une ordonnance papier, sous réserve de justifications telles que l’indisponibilité des téléservices ou une prescription pour un proche.
(Source : Légifrance)
Comment le pharmacien peut-il vérifier une ordonnance numérique sécurisée ?
1ʳᵉ étape – Vérification de l’ordonnance numérique
Le pharmacien peut vérifier la validité d’une ordonnance numérique (sécurisée ou non) directement via son logiciel métier agréé pour la gestion des ordonnances numériques. Grâce à la lecture du QR code présent sur l’ordonnance, le logiciel vérifie automatiquement les informations et l’authenticité de l’ordonnance en se connectant aux bases de données de l’Assurance Maladie. Cette étape permet au pharmacien de s’assurer que l’ordonnance est bien valide avant de délivrer les médicaments.
Si l’ordonnance numérique se révèle avoir fait l’objet de falsification, le pharmacien peut signaler l’incident.
2ᵉ étape – Déclaration de fausses ordonnances
Depuis le 2 août 2024, un nouvel outil appelé ASAFO-PHARMA (Alerte Sécurisée Aux Fausses Ordonnances – Pharmaciens) a été intégré au compte Amelipro de chaque officine. Ce dispositif permet aux pharmaciens de signaler en toute sécurité à leur caisse des suspicions de fausses ordonnances et de consulter les signalements déjà transmis par l’Assurance Maladie concernant des ordonnances frauduleuses identifiées ailleurs.
(Source : Rapport de proposition pour 2025 de l’Assurance Maladie)
En résumé
Pour garantir une sécurité optimale, il est crucial pour le prescripteur de passer par un LAP marqué CE, certifié HAS et agréé ordonnance numérique par le CNDA. Ce logiciel génère des ordonnances numériques avec un QR code unique et les informations légales nécessaires. Ces ordonnances numériques assurent une protection maximale contre la fraude et facilitent le processus de prescription et de délivrance pour les professionnels de santé.