Le marquage CE n’est pas qu’une affaire de conformité. C’est un projet d’entreprise à part entière, qui mobilise des expertises variées et un budget conséquent.
Vous en êtes au début d’un projet LAP et vous vous posez la question de porter le marquage CE par vous-même ? Cet article est pour vous !
Qu’est-ce qu’un dispositif médical numérique ?
Les dispositifs médicaux (DM) tels que défini par le Code de la santé publique (article L.5211-1) sont des produits de santé destinés, par son fabricant, à être utilisé chez l’être humain à des fins de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie ou d’une blessure, ou d’un handicap. Son action n’est pas obtenue par n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques.
Les dispositifs médicaux peuvent se présenter sous diverses formes : implants, instruments, équipements, applis mobiles etc.
Selon la réglementation européenne, un DM ne peut pas être commercialisé s’il n’a pas obtenu le marquage CE attestant de sa conformité aux exigences générales de sécurité et de performances.
Ce marquage garantit :
- La sécurité d’usage pour les patients
- Le bénéfice clinique
- La conformité aux normes européennes
Il est obligatoire pour entrer sur le marché, et le LAP ne fait pas exception.
Pourquoi le LAP doit être marqué CE ?
Les logiciels d’aide à la prescription sont considérés comme des dispositifs médicaux au sens du règlement européen 2017/745 (RDM), au même titre que les logiciels d’aide à la dispensation (LAD).
Un dispositif médical logiciel, communément appelé « DM logiciel » se caractérise comme étant un logiciel :
- qui effectue un recueil de données patient
- qui exploite ce recueil et les analyse avec d’autres données (une base médicamenteuse, par exemple)
- qui permet de détecter des contre-indications, les intéractiosn médicamenteuses et les posologies excessives.
A ce titre la Cour de Justice de la Communauté Européenne admet que le LAP est un DM en regard à la directive 93/42, cela pour 2 raisons :
- Le LAP est utilisé à dans le cadre de l’activité spécifiquement médicale, définie par le fabricant et telle que prévue aux articles définissant le DM,
- d’autre part l’action produite, n’a pas à être forcément dans ou sur le corps humain.
La Cour de justice de l’Union européenne a également précisé que les logiciels d’aide à la prescription qualifiés de dispositifs médicaux doivent porter un marquage CE de conformité lors de leur mise sur le marché et peuvent dès lors « circuler librement dans l’Union sans devoir faire l’objet d’aucune autre procédure supplémentaire, telle une nouvelle certification »
Les étapes clés de la certification CE
1️⃣ Établir votre stratégie d’accès au marché
L’accès au marché des dispositifs médicaux nécessite une approche bien définie, qui commence par une analyse approfondie de votre produit et de ses spécificités. Il s’agit élaborer une stratégie d’accès personnalisée, adaptée aux exigences réglementaires locales et internationales, tout en tenant compte des caractéristiques de votre innovation (fonctionnalités spécifiques par exemple) et de votre stratégie de développement.
Etablir votre feuille de route règlementaire est une étape importante pour optimiser le temps de votre parcours de certification mais surtout pour être en adéquation avec la vision future de votre entreprise :
- Quel marché adressez-vous en premier (UE, international) et quelle règlementation est applicable ? En UE, c’est le marquage CE qui en donne l’autorisation.
- Quel est le niveau de risque à l’utilisation de votre produit et dans quelle classe se situe-t-il ? Cela demande une analyse détaillée de ses fonctions et de ses revendications pour identifier les exigences applicables.
- Quelle est sa revendication finale ?
- etc…
2️⃣ Définir la classification du dispositif médical
Si le LAP est uniquement utilisé pour de l’aide à la décision à des fins thérapeutiques ou diagnostiques, alors il sera classé IIa.
Toutefois si le LAP est utilisés pour prendre des décisions qui peuvent causer une grave détérioration de l’état de santé d’une personne, alors ils relèveront de la classe IIb.
Si les décisions peuvent amener au décés ou une détérioration irreversible de l’état de santé, on sera en classe III.
L’identification de la classification d’un dispositif médical est déterminante pour la suite de son développement et de sa commercialisation. Un mauvais positionnement initial impliquerait des délais de mise en conformité rallongés, voire une impossibilité d’accès marché.
Pour vous assurer de la bonne catégorisation de votre produit, des acteurs spécialisés peuvent vous accompagner.
3️⃣ Choisir un organisme notifié
Avant tout, il faut identifier un organisme notifié (ON) habilité à évaluer les dispositifs médicaux selon le règlement MDR.
Comment choisir son organisme notifié ?
Quelques critères de séléction à prendre en compte avant de signer :
- Spécialisation dans les dispositifs numériques ou logiciels
- Expérience dans les DM de classe IIa / IIb
- Délai de traitement compatible avec votre planning
- Capacité à accompagner sur l’AI Act si nécessaire
👉 Liste complète des ON pour les DM
💡 Bon à savoir : Certains organismes notifiés sont saturés jusqu’à fin 2025. Anticipez et entrez en contact le plus tôt possible. La certification peut aussi prendre du temps : Rumb estime en moyenne 20 mois selon les circonstances le délai d’obtention de la certification.
4️⃣ Évaluation du type
Objectif : démontrer que le produit respecte les exigences de sécurité et de performance.
- Vérification que le produit répond aux exigences de sécurité et de performance via l’analyse de la conception, des référentiels cliniques, et des procédures de production.
- Évaluation de la gestion des risques, du rapport bénéfice/risque et de la conformité aux normes applicables (ISO 14971, IEC 62304, IEC 82304-1).
- Vérification des données précliniques (tests unitaires, tests d’intégration) et cliniques (évaluation clinique selon MEDDEV 2.7/1 rev.4).
- Validation de l’environnement de développement (cycle V ou Agile, outil de gestion de configuration, traçabilité).
5️⃣ Évaluation du SMQ (ISO 13485)
L’évaluation porte sur votre capacité à produire et à maintenir le logiciel de façon conforme. Il convient d’y décrire tous les process associés :
- Gestion des risques (ISO 14971) : identification, évaluation, maîtrise et suivi des risques.
- Suivi des anomalies : enregistrement, analyse, correction et prévention.
- Contrôle qualité : plan qualité projet, vérifications et validations à chaque étape.
- Gestion des modifications logicielles : processus de gestion des versions, traçabilité, requalification.
- Formation des équipes : preuve de compétence des intervenants, documentation des formations.
6️⃣ Préparation de la documentation technique
Alignée sur les règlements MDR 2017/745 et IVDR 2017/746, cette documentation constitue le cœur de la démarche de certification.
La documentation technique doit comprendre :
- L’architecture logicielle documentée
- L’analyse des risques (ISO 14971)
- Les preuves de conformité aux normes :
- IEC 62304 : cycle de vie du logiciel médical
- IEC 82304 : qualité des logiciels de santé
- La documentation du SMQ (ISO 13485)
- Le dossier d’évaluation clinique
- Si IA : réponse aux exigences de l’ISO 42001 et du projet AI Act
7️⃣ Certification
Après évaluation favorable, un certificat de marquage CE médical est délivré par l’organisme notifié pour une durée maximale de 5 ans.
Ce certificat couvre :
- Le périmètre fonctionnel du logiciel tel qu’évalué ;
- L’organisation qualité et les processus décrits dans le SMQ ;
- La documentation technique et les preuves cliniques présentées.
Tout changement majeur sur le produit (fonctionnalités, algorithmes, architecture logicielle) ou sur l’organisation (changement de site, d’équipe clé, de processus) devra faire l’objet d’une évaluation complémentaire.
8️⃣ Suivi et renouvellement de certification
Une fois sur le marché européen, les fabricants de dispositifs marqués CE continuent d’être évalués par l’organisme notifié :
- Audit de surveillance annuel;
- Audit complet lors de modifications ou du renouvellement du marquage CE ;
- Audits inopinés tous les 5 ans minimum;
- Mise à jour continue de la documentation technique;
Quelles sont les ressources à mobiliser lors du processus de marquage ?
Le marquage CE est un processus long et coûteux qui permet l’accès au marché. Ces démarches réglementaires sont donc un atout stratégique pour votre outil numérique, aussi stratégique que votre technologie. Le marquage CE constitue donc une barrière à l’entrée qui permet de réduire considérablement le nombre d’acteurs concurrents.
Par ailleurs, le marquage assure la protection des utilisateurs et des patients via un cadre réglementaire strict.
Toutefois, il est important de ne pas se lancer tête baissée dans un projet de cette envergure en ignorant en amont toutes les ressources à mobiliser.
Nous avons donc listé dans les grandes lignes, ce dont vous aurez besoin pour vous lancer dans votre projet de marquage :
Une équipe dédiée pluridisciplinaire
Être marqué CE n’est pas qu’une affaire de conformité. C’est un projet d’entreprise à part entière, qui mobilise des expertises variées et un budget conséquent. Voici les profils clés :
- Responsable QARA qui est garant de la conformité, spécialiste qualité/règlementaire
- Développeur logiciel formé DM qui intègre les exigences CE dès la conception
- Chef de produit réglementaire qui coordonne les équipes tech, métiers et conformité
- Expert en évaluation clinique qui produit les preuves du bénéfice clinique
Des ressources financières
Selon la classe du DM (souvent IIa ou IIb pour un LAP), les coûts peuvent varier fortement.
💶 Estimation moyenne :
- Coût initial : 175 000 à 320 000 € pour l’organisme notifié
- Coûts récurrents intégré aux frais internes :
- Ressources humainesMaintenance documentaire continue.Formations, audit interne.
📆 Webinaire Marquage CE : Anticiper les enjeux et sécuriser votre projet
Lors de cette table ronde digitale, Charles-Antoine Robert, ex-CEO d’une startup développant un dispositif médical LAP, témoigne. Il partage son retour d’expérience sur :
- Les enjeux réglementaires rencontrés
- Les impacts opérationnels et financiers pour une entreprise du DM
- Les voies de financement pour sécuriser son projet
- Les bonnes pratiques pour intégrer ces exigences dès le développement de votre produit
Pour consulter la rediffusion de ce témoignage :
Regarder le webinaireFaut-il une certification HAS en plus du marquage CE ?
Depuis 2018, l’obligation de certification de la HAS n’est plus obligatoire.
En revanche, dans la mesure où ils sont qualifiés de dispositifs médicaux, ces logiciels sont soumis à la réglementation sur les dispositifs médicaux et notamment aux règles de mise sur le marché des dispositifs médicaux comprenant le marquage CE et aux règles de surveillance.
Elle indique, à ce titre, que la certification de ces logiciels apporte des garanties complémentaires par rapport au marquage CE, notamment au regard de :
- la sécurité, la conformité et l’efficience de la prescription ;
- l’adossement à une base de données médicamenteuse agréée ;
- la neutralité des informations utilisées.
Bon à savoir : La certification HAS peut être utile pour le référencement dans certains appels d’offres.
Anticiper le marquage CE selon le MDR
Le règlement européen 2017/745 (MDR) est pleinement applicable depuis mai 2021, avec une période transitoire qui s’étend jusqu’au 31 décembre 2028 pour certains dispositifs déjà certifiés selon l’ancienne directive (93/42/CEE). Après cette échéance, tous les dispositifs devront être conformes au MDR, sans exception. Il est donc crucial d’anticiper dès maintenant le renouvellement des certificats, la mise à jour de la documentation technique et l’adaptation éventuelle du SMQ.
Se positionner sur le marché sans marquage CE constitue une infraction. Elle expose le fabricant à des sanctions civiles et pénales, ainsi qu’au retrait du dispositif.
Oui, si les modifications impactent la sécurité, la performance, ou les fonctions principales du logiciel. Une évaluation d’impact réglementaire est alors requise.
Vous avez un papier officiel indiquant la prolongation du marquage CE jusqu’à cette date, c’est parfait. Vous devrez donc vous mettre en conformité avec le nouveau règlement (UE) 2023/607 (UE) 2017/745 (MDR) qui remplace les anciennes directives.
Non. La certification en classe IIa ou IIb des modules de sécurisation fournis par ces bases ne dispense pas le logiciel d’aide à la prescription (LAP) de disposer de sa propre certification en tant que DM. L’intégration d’une API certifiée ne transfère pas la conformité réglementaire au LAP lui-même. Ce dernier reste responsable de l’usage médical final et doit donc être certifié en conséquence.